« L′église, gracieux monument gothique en pierres de taille, construit sur les
données de M. de Brémoy, recteur de Saint-Agathon, n′est pas encore complètement
achevée. Certes cet édifice n′atteint pas, dans son exécution, le fini de
l′époque qu′il rappelle, (...) mais lorsqu′on apprend que la construction de cette
jolie église (...) ne coûtera que 28,000 fr. (...), on sent qu′on serait injuste envers
l′entrepreneur, M. Léon, si l′on ne proclamait pas qu′il a fait mieux qu′on
était en droit d′attendre de lui. » 1.
Oeuvre de l′architecte diocésain Alphonse Guépin, dont la conception fut
en partie inspirée par le recteur de l′époque, M. de Bremoy,
l′église paroissiale de Saint-Agathon fut édifiée à partir
de l′année 1854 par l′entrepreneur Jean-Marie Léon 2.
Si la bénédiction de la première pierre eut lieu le 1er mai 1854, l′édifice fut livré
au culte le 10 juin 1857 en la présence de l′évêque de Saint-Brieuc et
Tréguier, Monseigneur Le Mée 3.
Pour ce dernier, cet événement fut l′occasion d′exprimer
toute sa gratitude à l′égard de la population de Saint-Agathon, tant celle-ci
dut consentir, selon René Couffon, à d′importants sacrifices pour se doter
d′un sanctuaire digne de ce nom 4.
Au premier abord, l′église Saint-Agathon apparaît tel un élégant
vaisseau de granite dont le parti-pris stylistique emprunte largement au répertoire du style
gothique bretonLe style gothique breton se caractérise par la prédominance d′éléments
architecturaux et ornementaux du répertoire gothique flamboyant auxquels sont associés de manière ponctuelle des éléments
de décor de style Renaissance..
Si l′édifice présente un volume et un plan symétriques, le traitement
des bas-côtés, des portes et des fenestrages, comme celui du clocher, le rattachent
sans conteste à ce courant. Le parementSurface visible d′une construction en pierre, en terre ou en brique des murs est, en outre, édifié
en moyen appareil de granite provenant des carrières de l′Ile-Grande 5.
Construite sur un plan en croix latine, l′église se compose d′une nefPartie
d′une église de plan allongé comprise entre le massif antérieur et le transept ou le choeur. La nef désigne le
vaisseau central. à trois travées flanquée sur toute sa longueur de deux bas-côtés,
d′un transeptCorps tranversal formant une croix avec le corps longitudinal de l′église.
et d′un choeurPartie de l′église réservée au clergé. accosté
de deux sacristiesLa sacristie désigne le local où sont entreposés les vases sacrés, les objets lithurgiques,
les vêtements sacerdotaux, etc.. Trois portes desservent l′espace intérieur, soit une entrée principale à
l′ouest et deux entrées en vis-à-vis au nord et au sud.
Le massif occidental consiste ici en une tour rectangulaire demi-hors-oeuvreSe dit d′un
corps de bâtiment partiellement engagé dans un autre corps de bâtiment plus important.
enfermant un escalier en vis en maçonnerie. Epaulée de quatre contrefortsOrgane d′épaulement et de raidissement en saillie.
à ressauts, dont deux angulaires, elle est ouverte au centre d′une porte à
arc en anse de panier à archivolteL′archivolte est une moulure en saillie. en accolade à crochets et fleuron surmontée d′une
fenêtre en arc brisé à deux lancettesDans une baie, la lancette est une ouverture allongée verticalement,
surmontée d′un arc (la tête de lancette) et souvent pratiquée dans la partie inférieure d′un remplage..
Cette tour, dont les deux contreforts centraux en accentuent la
verticalité, est couronnée d′un clocher à jours.
Souligné par un garde-corps ajouré, rythmé par des courbes et contre-courbes,
orné de pinacles à crochets et de baies aveugles tantôt en arc-brisé, tantôt à arcature
trilobée, ce clocher ouvragé est un clocher à cinq baies. Il est, en effet, constitué au premier niveau de quatre baies en
plein-cintre surmontées d′une baie axiale en arc-brisé à large embrasure dont l′extradosFace
supérieure ou dos d′un arc ou d′une voûte.
affecte la forme d′une élégante accolade à crochets et fleuron.
Au premier niveau, les deux baies centrales jumelées reçoivent une cloche,
tandis que les deux baies latérales sont formées chacune par des arcs-boutantsOrgane de
contrebutement extérieur destiné à neutraliser la poussée d′une voûte ou d′un arc.
décoratifs.
Une des caractéristiques de cette église, et non des moindres au regard du parti architectural
de l′édifice, est la présence de deux bas-côtés à pignons multiples,
chaque pignon correspondant ici à une travée. Ces élévations sud et nord,
qui sont identiques, exception faite d′infimes détails, sont épaulées
de contreforts. Evidé d′une niche à statuette à arcature
trilobée au sud, chaque pignon est ajouré d′une baie en arc brisé
à deux lancettes à arcature trilobée et à réseau
Le réseau est l′ensemble des éléments de remplage formant des divisions nombreuses dans une baie. Il désigne
généralement la partie haute du remplage. Le remplage est l′ensemble des parties fixes qui divisent
la surface d′une baie et qui sont dans le même matériau que l′embrasure flamboyant. Les travées centrales
sont également ouvertes d′une porte de même profil que la porte du massif occidental.
Comme à l′ouest, chacune de ces portes est agrémentée d′une archivolte en accolade à
fleuron retombant, toutefois ici, sur des culotsOrgane en surplomb d′un seul tenant portant une charge, généralement en forme
de cône ou de pyramide renversée. feuillagés.
Peut-être le regard du visiteur sera-t-il plus particulièrement attiré par les
gargouillesConduit d′évacuation des eaux.
saillantes du bas-côté sud ? Si celles du bas-côté nord sont de facture
assez rudimentaire, il en va en effet tout autrement des gargouilles figurées du bas-côté sud dont le
traitement vaut fidélité à l′esprit néogothique. Le regard peut ainsi s′arrêter
sur des figures animales, à l′instar d′un chien, ou des personnages, dont un à l′expression
grimaçante arbore une poitrine dénudée.
Enfin, le chevetLe chevet est l′extrémité
extérieure d′une église placée du côté du maître-autel. Le chevet est généralement
situé à l′est. plat de cette église, également épaulé de deux contreforts angulaires,
est ajouré d′une maîtresse-vitre en arc-brisé à trois lancettes.
1. JOLLIVET, Benjamin. Les Côtes-du-Nord, histoire et géographie de toutes les villes et communes du département. Guingamp : B. Jollivet, 1854, tome III, p. 141.
2. COUFFON, René. Répertoire des églises et chapelles du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier. Saint-Brieuc, Les Presses Bretonnes, 1939, p. 440.
3. Id., p. 441.
4. Ibid., p. 441.
5. Ibid., p. 440.