La chapelle Saint-Léonard

~ Saint-Léonard ~



« A mi-cote de la butte de St-Léonard, le terrain s′aplatit et forme comme une esplanade qui domine le chemin de Pont-Ezer, les belles prairies qui s′étendent au pied du Grand Roudourou et les moulins qu′alimente en cet endroit le Trieux. C′est là qu′est bâti l′oratoire dédié à Saint-Léonard, patron des prisonniers, et c′est de cet oratoire que la butte elle-même tire son nom. » [1].


Vue générale, élévation sud (2009)


          A Saint-Léonard, sur un éperon rocheux dominant la vallée du Trieux, la chapelle Saint-Léonard figure parmi les plus anciens témoignages architecturaux de la ville de Guingamp. Si l′édifice ne bénéficie pas d′une mesure de protection au titre de la législation sur les Monuments Historiques, il fait toutefois l′objet d′une attention toute particulière de la part de la bien nommée « association des amis de la chapelle Saint-Léonard ».

          Dans un cadre paysager préservé, à proximité du château qui porte le même nom, ce noble sanctuaire placé sous le vocable du saint patron des prisonniers conserve d′importants vestiges de l′époque romaneEn histoire de l′art, l′époque ou la période romane est une période de production architecturale et artistique comprise entre la 1ère moitié du XIème siècle et la 2ème moitié du XIIème siècle. [2]. Contemporains des grandes arcades de la basilique Notre-Dame qui furent édifiées au cours de la 1ère moitié du XIIème siècle, ces vestiges contribuent manifestement à l′évocation d′une période qui consacra le développement de la ville de Guingamp.


Vue générale de l′espace intérieur prise depuis l′ouest (2009)


          Attestée dès le XIIème siècle [3], contemporaine des premières églises de Saint-Martin, de La Trinité et de Saint-Sauveur, elle dépendait de cette dernière qui fut un prieuré-cure de l′abbaye Saint-Melaine de Rennes sous l′Ancien Régime [4]. Précieux témoignage d′architecture romane, la chapelle fut néanmoins détruite au cours de la guerre de Succession de BretagneJean III le Bon, duc de Bretagne décédé sans héritier le 30 avril 1341, Jean de Montfort, son demi-frère, et Charles de Blois, neveu du roi de France et époux de Jeanne de Penthièvre, nièce du défunt duc, réclamèrent le titre ducal. Cette revendication bi-partite fut à l′origine d′un conflit, connu sous le nom de guerre de Succession de Bretagne, qui opposa de 1341 à 1365 les partisans de Jean de Monfort à ceux de Charles de Blois. Ce dernier ayant été tué à la bataille d′Auray le 29 septembre 1364, le traité de Guérande, signé entre les deux partis le 12 avril 1365, établit le fils de Jean de Monfort comme héritier légitime du titre ducal sous le nom de Jean IV de Monfort (1339-1399). (1341-1365), puis reconstruite grâce aux largesses de Charles de BloisCharles de Blois (Blois, 1319 - Auray, 1364) : né à Blois en 1319, Charles de Blois, neveu du roi de France Philippe VI de Valois, épousa Jeanne de Penthièvre, fille de Guy de Penthièvre et nièce du duc Jean III de Bretagne, à Paris le 4 juin 1337. A la mort du duc Jean III survenue en 1341, il fut l′un des prétendants au trône ducal. A la suite de l′arrêt de Conflant, il fut reconnu duc de Bretagne par son oncle Philippe VI de France auquel il prêta hommage. Mais cette succession lui étant contestée par le demi-frère de Jean III, Jean de Montfort, il s′opposa au parti de Montfort de 1341 à 1364 dans le cadre d′un conflit connu sous le nom de « guerre de Succession de Bretagne ». Il mourut à la bataille d′Auray le 29 septembre 1364. Bien qu′il bénéficia d′une réputation de sainteté aussitôt après sa mort, ce n′est que tardivement, soit en 1904, qu′il fut béatifié. [5]. Au regard de sa situation géographique, elle fut probablement utilisée comme poste de défense avancé de la ville de Guingamp et fit possiblement partie du « fortin Saint-Léonard » [6].

          Confisquée et mise en vente au titre de bien nationalNotion spécifique à la Révolution française, désignant la confiscation des biens immobiliers de l′Eglise, puis d′une partie de la noblesse, et leur vente dans le but de rembourser la dette de l′Etat. de première origine sous la Révolution, la chapelle Saint-Léonard fut acquise en 1795 par Yves Le Moing, époux de Marie-Françoise Le Coq, et François Corbin, époux de Marie-Jeanne Frestou, tous deux meuniers exerçant respectivement leur activité à Saint-Sauveur et à Pont-Ezer [7]. La vente fut toutefois réalisée à la condition expresse de ne pas réutiliser la chapelle à des fins cultuelles [8].

          Dans la mesure où l′état de l′église Saint-Sauveur et des chapelles de la prison et de l′hospice n′apportaient pas les garanties nécessaires à l′exercice du culte, la chapelle Saint-Léonard fut néanmoins érigée en chapelle de secours au début du XIXème siècle [9]. Le 30 juillet 1808, le conseil municipal de Guingamp renonça ainsi à entreprendre des travaux de réparation de l′église Saint-Sauveur et autorisa les marguilliersLe marguillier est un membre de la fabrique, le conseil de paroisse, assurant l′administration des biens paroissiaux, le contrôle de l′entretien des locaux, la tenue du registre de la paroisse et la préparation des affaires devant être portées au conseil. de la paroisse de Guingamp à acheter la chapelle Saint-Léonard [10]. Le conseil de Fabrique ne pouvant, pour des raisons financières, procéder à un tel achat, la chapelle Saint-Léonard fut acquise le 25 juillet 1809, pour la somme de 900 francs, par le curé Jacques L′Again et le marguillier Jacques-François Anfray [11]. Dès le 13 septembre suivant, ces derniers firent don de la chapelle au conseil de Fabrique [12].


La chapelle Saint-Léonard d′après le cadastre de 1822, section A, feuille unique (source : Archives départementales des Côtes-d′Armor)


          Le plan, le volume et l′aspect actuels de la chapelle Saint-Léonard résultent d′un incident survenu au début du XIXème siècle. En décembre 1810, une violente tempête occasionna effectivement d′importants dégâts relatés en ces termes par le conseil de Fabrique réuni le 26 décembre suivant :

« (...) nous avons reconnu que le bout vers l′occident de la longère septentrionale est écroulé sur une étendue de cinq mètres sur presque toute sa hauteur ainsi que le contrefort y joignant ; que le second contrefort est tout déversé et même en ruine avec une partie du pignon occidental (...) » [13]


La chapelle Saint-Léonard d′après le cadastre de 1822, section A, feuille unique (source : Archives départementales des Côtes-d′Armor)


          Plutôt que d′engager de coûteux travaux de reconstruction, il fut décidé de consolider l′existant réduit pour le coup de près de la moitié de sa longueur initiale. Les réparations terminées au début du printemps de l′année 1811, la municipalité autorisa le 17 avril suivant la Fabrique à accepter la donation faite par les dénommés Anfray et L′Again [14]. Le ministère des Cultes étant amener à se prononcer sur la légalisation de cette donation, ce n′est que plusieurs années plus tard, précisément en 1819, que la donation fut confirmée [15]. La chapelle devint propriété de la commune de Guingamp après la loi de séparation des Eglises et de l′EtatLa loi de séparation des Eglises et de l′Etat, instaurant le principe de laïcité en France, fut votée à l′initiative du député socialiste Aristide Briand. Les principes de cette loi confinant l′exercice des pratiques religieuses à la sphère privée, sans distinction de confession, sont contenus dans les deux premiers articles :
- « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes » (article 1),
- « La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte » (article 2).
(1905). Le bâtiment à usage de sacristie, situé dans l′angle nord-est de la chapelle, fut construit en 1850 [16].


Vue générale de la sacristie, face ouest (2009)


          A l′occasion d′une tempête survenue au cours de l′année 1876, le calvaire initialement érigé à l′endroit laissé vacant par la démolition de la nef fut brisé. Ce dernier fut remplacé par une croix monumentale qui fut acquise par la Fabrique pour la somme de 230 francs [17]. Outre la signature du sculpteur guingampais Pierre Léon, le socle de l′édicule posé sur un autel en maçonnerie présente le chronogramme 1876 en souvenir de l′année où il fut remonté.


Vue générale du calvaire, face sud (2009)


1.  JOLLIVET Benjamin, Les Côtes-du-Nord, histoire et géographie de toutes les villes et communes du département, Guingamp : B. Jollivet, 1854, tome III, p. 63.

2.  Les quatre arcades à double rouleau de la croisée du transept sont les témoins de la campagne de construction primitive.

3.  Les dates qui mentionnent pour la première fois la chapelle Saint-Léonard divergent selon les sources, confirmant les propos de Bernard Tanguy, selon lequel « l′origine des sanctuaires guingampais - auxquels il faut ajouter la chapelle Saint-Léonard, mentionnée dès 1185 - est mal connue » (TANGUY Bernard, Dictionnaire des noms de communes, trèves et paroisses des Côtes-d′Armor : origine et signification, Douarnenez, Ar Men-Le Chasse Marée, 1992, p. 77). D′après René Couffon, la chapelle Saint-Léonard « figure parmis les biens de Saint-Melaine entre 1121 et 1158 » (COUFFON René, Répertoire des églises et chapelles du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier, Saint-Brieuc, Les Presses Bretonnes, 1939, p. 142). Pour Simone Toulet, « la chapelle Saint-Léonard, attestée avant 1131, dépend de Saint-Sauveur, abbaye, puis prieuré-cure dépendant de Saint-Melaine de Rennes « (TOULET Simone, « La chapelle Saint-Léonard de 1789 à 1905 » dans Bull. de l′Association des Amis du Pays de Guingamp, n° 19, décembre 1995, p. 10).

4.  TANGUY Bernard, op. cit., p. 77.

5.  Pour entreprendre la restauration de la chapelle, Charles de Blois aurait effectué, d′après René Couffon, un don de 50 écus d′or, COUFFON René, op. cit., p. 142.

6.  TOULET Simone, op. cit., p. 2.

7.  Id., p. 2.

8.  Ibid., p. 2.

9.  Ibid., p. 4.

10.  Ibid., p. 4.

11.  Ibid., p. 4.

12.  Ibid., p. 5.

13.  Ibid., p. 6.

14.  Ibid., p. 7-8.

15.  Ibid., p. 8.

16.  Ibid., p. 9.

17.  Ibid., p. 10.

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2010