Bien que la décision d′élever un monument en l′honneur des victimes de la Première Guerre mondiale fut prise par la
municipalité de Guingamp dès le mois de janvier 1919 [1], le projet vit le jour tardivement.
Erigé en avant de la place du Vally, quasiment en lieu et place du buste de la République [2],
en partie financé à l′aide d′une souscription publique organisée à partir du 10 octobre
1919 [3], le monument de la ville de Guingamp fut édifié à partir du mois
d′août 1924, puis inauguré le 11 novembre suivant sous la présidence du ministre Yves Le Trocquer [4].
Il est l′oeuvre conjointe de l′architecte municipal
Georges-Robert LefortGeorges Robert-Lefort (Paris, 1875 - Guingamp, 1954) : reçu
à l′Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris en 1890, Georges-Robert Lefort s′est installé comme
architecte libéral à Guingamp au début du XXème siècle. Architecte municipal de cette même ville,
il a exercé la fonction d′enseignant à l′Ecole Régionale d′Architecture de Rennes de 1908 à 1948.
Cet architecte prolifique, également installé à Rennes, a été nommé architecte des Hospices civils de
cette ville, architecte ordinaire des Monuments historiques de 1923 à 1942, puis architecte en chef du ministère de la Reconstruction
et de l′Urbanisme. Associé de Georges Beck et d′Emmanuel Gontier, il s′attacha prioritairement les services de Désiré
Offret, entrepreneur à Ploumagoar. Parmi ses principales réalisations figurent, outre l′hôpital civil et militaire de Guingamp
(1904), la Caisse d′Epargne de Saint-Brieuc (1909), le Grand Séminaire de Saint-Brieuc (1924) et la gare ferroviaire de Dinan (1932).
Cf. Archives Modernes d′Architecture de Bretagne. « Georges-Robert Lefort », Bulletin de liaison de l′association,
n° 1, juin 1992, p. 2-3., à l′origine de sa conception, de l′entrepreneur Auguste Léon, qui fut chargé de son
édification, et du sculpteur Hippolyte GalyHippolyte-Marius Galy (1847-1929). Sculpteur
français né à Alger en 1847. Il est l′auteur des sculptures des monuments aux morts de Montluçon (1922), de Papeete (1923),
de Pointe-à-Pitre (1925), etc qui fut retenu par le commanditaireCelui qui commande
et finance une oeuvre. en 1922 pour la réalisation du groupe sculpté [5].
La signature « H. GALY » gravée à la base et sur le côté droit de ce groupe sculpté en est le
témoignage manifeste.
A l′inverse de nombreux monuments choisis sur catalogue, celui de Guingamp procède d′un projet résolument
artistique. René QuillivicRené Quillivic (1879-1969), sculpteur français
originaire de Plouhinec dans le département du Finistère où se situe l′essentiel de sa production. Ancien
élève de l′Ecole nationale des Beaux-Arts de Paris, médaillé d′or au salon des Beaux-Arts de 1907,
il est l′auteur de monuments aux morts dits « pacifistes ». René Quilivic fut un sculpteur talentueux dont
l′inspiration puisa aux sources de la Bretagne., figure éminente de la sculpture commémorative et funéraire
bretonne de l′époque, fut ainsi un temps présenti pour la réalisation du monument. Mais, au regard de son prix prohibitif, le projet
présenté en mars 1921 par le sculpteur finistérien ne fut pas retenu par les édiles guingampais [6].
En 1922, le choix fut donc porté sur le projet moins honéreux d′Hippolyte Galy, à charge pour la municipalité de Guingamp,
par l′intermédiaire de son architecte Georges-Robert Lefort [7], de livrer le soubassement, ainsi
que le socle destiné à accueillir la sculpture.
A l′instar des nombreux monuments commémoratifs érigés dans le sillage de la Grande Guerre, celui de Guingamp a fait l′objet de travaux
de remaniement au cours de la 2ème moitié du XXème siècle [8].
Protégé par une grille en fer à l′origine, il a été enrichi d′un soubassement en granite formé par un
degré concave et d′une terrasse rectangulaire à l′arrière agrémentée de plaques de granite poli posées sur des plots
tronconiques. La face antérieure de ces plaques porte, outre les noms des victimes de la Seconde Guerre mondiale et des guerres de décolonisation,
l′inscription commémorative suivante :
COMME DANS LE GRANIT LEURS NOMS RESTERONT
A JAMAIS GRAVES DANS NOS COEURS
Posé sur ce soubassement concave, le monument d′origine est donc composé d′un socle massif sur lequel règne une sculpture
figurative en marbre blanc clair de CarrareCarrare est une ville de Toscane, en Italie centrale, célèbre
pour son marbre blanc à grain fin utilisé depuis l′Antiquité.. La face antérieure du socle présente en outre
l′inscription commémorative suivante :
LA VILLE DE
GUINGAMP A
SES ENFANTS
MORTS POUR
LA FRANCE :
1914 : 1918
Très probable allégorie de la mère-patrie pleurant ses fils morts au champ d′honneur, cette sculpture met en scène une femme
en posture d′affliction revêtue d′un voile et d′une tenue à l′antique. Tenant un bouquet de fleurs dans sa main droite,
la main gauche posée sur son front, cette femme à l′expression évasive pleure les victimes de la Grande Guerre symbolisées
ici par un buste de soldat traité en haut-reliefse dit d′une oeuvre sculptée dont le
volume correspond entre la moitié et les trois-quarts du volume réel d′un corps ou d′un objet..
1. TOULET, Simone. « Petit historique du monument aux morts de Guingamp » dans Bulletin de liaison des Amis du patrimoine de Guingamp, n° 1, 1986, p. 14.
2. Id., p. 15
3. Arch. dép. Côtes-d′Armor : 2 O 70/7. Commune de Guingamp. - Bâtiments communaux : monument aux morts (1919-1924). La souscription fut organisée par quartier. Elle mobilisa les élus qui, à cet effet, reçurent chacun la responsabilité d′un quartier de la ville pour mener à bien la collecte des fonds.
4. TOULET, Simone, op. cit., p. 18-19.
5. Arch. dép. Côtes-d′Armor : 2 O 70/7. Commune de Guingamp. - Bâtiments communaux : monument aux morts (1919-1924).
6. TOULET, Simone, op. cit., p. 15-16. Le projet présenté par le sculpteur Quillivic était un projet monumental en kersanton dont le coût s′élevait à 56 000 francs, non compris le coût du socle à la charge de la ville.
7. Arch. dép. Côtes-d′Armor : 2 O 70/7. Commune de Guingamp. - Bâtiments communaux : monument aux morts (1919-1924). Au regard de ses fonctions d′architecte municipal et en vertu de la délibération du 29 décembre 1922, Georges-Robert Lefort se vit confier la charge de dessiner les plans du socle du monument aux morts de la ville.
8. Arch. dép. Côtes-d′Armor : 19 Fi 144, Guingamp, monument aux morts de la guerre 1914-1918, photographie noir et blanc par Lacombe, s.d. [1924-1936].