Au bourg de Ploumagoar, à mi-distance de l′église paroissiale Saint-Pierre
et de la mairie, le monument aux morts de la Première Guerre mondiale fut érigé
en 1922. Au sortir de la Grande Guerre, la municipalité de Ploumagoar fit, à l′instar
de nombreuses communes de la région, le choix d′un monument aux morts en granite
agrémenté d′un décor de type sériel figurant dans le catalogue de la
fonderie A. Durenne établie à Sommevoire dans le département de la Haute-Marne 1.
Si le monument fut édifié par l′entrepreneur Yves Offret 2, les deux statues en fonte moulée,
portant chacune au revers la signature de l′artiste au côté du millésime 1920, sont la
réplique d′un modèle réalisé cette année-là par le sculpteur
Jules DéchinJules Déchin (Lille, 1869 - Paris, 1947)..
Le projet du maître-d′oeuvreCelui
qui conçoit et dirige la construction d′un édifice (architecte, entrepreneur, etc.),
dressé le 7 octobre 1921, fut adopté
en séance du 21 octobre suivant par le conseil municipal de Ploumagoar réuni sous
la présidence du maire Yves Garlantezec. Approuvé par le préfet du département
le 19 juillet 1922, il fit l′objet d′un traité de gré-à-gré
le 22 août 1922, le montant des travaux étant arrêté à la somme de
23.000 francs. Pour supporter ce coût élevé, le maire sollicita d′ailleurs
auprès des services du préfet, dès le 21 septembre 1919, l′autorisation
d′organiser une souscription publique qui rapporta au final la somme de 5.000 francs venant s′ajouter
à celle de 4.600 francs perçue au titre de l′aide octroyée par l′Etat.
Le procès-verbal de réception définitive de
l′oeuvre fut dressé le 21 juin 1923, en présence d′Yves Garlantezec, d′Yves Offret et
des conseillers municipaux François Garlantezec et Félix
Le Bescont. L′inauguration du monument, suivie d′un banquet, eut lieu le 5 août 1923, la
cérémonie étant, selon les termes du maire, « exclusivement
réservée au culte du souvenir » 4.
Situé au centre de la place publique, ce monument édifié en pierre de taille
de granite à ton clair est posé sur une base rectangulaire dont l′accès
était à l′origine protégé symboliquement par quatre piliers
angulaires reliés par des chaînes. Il est notamment constitué d′un socle
massif dont la face antérieure porte l′inscription commémorative suivante :
AUX ENFANTS
DE PLOUMAGOAR
MORTS POUR LA PATRIE
1914 - 1918
1939 - 1945
A Ploumagoar, le décor en fonte moulée vient étayer un discours officiel
à forte tonalité patriotique et héroïsante. Constitué de deux
personnages en grandeur nature, il met en scène, de manière théâtrale,
un jeune soldat français agonisant au pied d′une allégorieL′allégorie
est l′expression d′une idée par une image, une figure, un symbole.
féminine de la Patrie victorieuse. Si les deux figures n′ont pas été
spécifiquement conçues pour aller de pair, leur association demeure ici sans ambiguité :
en opérant ce choix, les édiles de la commune ont décidé de
mettre à l′honneur la figure du poilu, tout en célébrant l′image
de la Patrie victorieuse reconnaissante envers ses fils.
Sur le point de rendre l′âme, la tête a découvert, la main gauche
crispée sur le coeur et la main droite tenant le fusil posé à terre,
le soldat gravement blessé est en partie couché sur le flanc droit, le dos
appuyé contre un rocher. A ce moment critique, son regard croise alors celui de la
Patrie portant ostensiblement dans la main droite une victoire ailée. En guise de reconnaissance
à l′égard de celui qui a donné sa vie pour le bien et la défense
des citoyens français, elle tient dans la main gauche, telle une mère attentionnée,
une couronne de lauriers qu′elle s′apprête à déposer près du soldat
agonisant. Une autre couronne de lauriers au poignet droit suggère son intention d′en faire de
même pour d′autres soldats. Enfin, au pied de la Patrie victorieuse, le casque du poilu est
posé sur le tronc d′un chêne placé ici en guise de symbole de régénérescence.
La face antérieure du socle sur lequel est posée la statue de la Patrie
victorieuse, est, en outre, agrémentée d′une médaille de guerre, mais
également d′une croix latine dont la présence s′avère
énigmatique au regard de la situation du monument aux morts.
1. Arch. dép. Côtes-d′Armor : 2 O 225/3, bâtiments communaux : monument aux morts (1919-1923). Le siège social de cette société était situé à Paris, 26, rue du faubourg Poissonnière.
2. Id.
3. Ibid.
4. Ibid.